"Quand on se préoccupe de tout et de tout le monde, on finit par croire qu'on a droit au confort et au bonheur en permanence, que tout doit se passer exactement comme on le souhaite. C’est une maladie qui vous dévore de l’intérieur. Une maladie qui transforme toute adversité en injustice, tout obstacle en échec, toute contrariété en attaque personnelle, tout désaccord en trahison. Dans l'enfer étriqué de notre propre tête, nous brûlons d’arrogance et de ressentiment, prisonniers du cercle infernal de nos obsessions. Dans un mouvement perpétuel mais qui n'arrive jamais nulle part."
Je commence ce premier épisode par cette citation édifiante de Mark Manson, car je dis souvent à qui veut l'entendre - et même ceux qui n'ont rien demandé - qu'il faut savoir choisir ses combats. Développer la capacité d'accepter ce qu'on ne peut pas changer et le courage de se mesurer à ce qui peut l'être.
Encore faut-il savoir faire la différence.
Nous vivons dans un monde où - si l'on se laisse posséder par les moindres jérémiades - tout va mal: de notre corps à notre moral, de nos jeunes à nos personnes âgées, du climat à la bouffe qu'on avale, de nos gouvernements à leurs institutions dépassées.
Sur les lèvres de la plèbe, tous les problèmes viennent d'ailleurs. La situation et ses causes nous échappent et se dérobent à nos petites exigences. Non contents de téter aux deux seins du système pour tout lui recracher à la gueule, il faudrait encore que les solutions viennent de l'extérieur.
Les gens bouffent une énergie folle à défendre des causes en invoquant des effets dont ils ne font jamais l'expérience.
Les combats d'opinions n'ont pour armes que les mots et leur issue aucun risque véritable.
Quant au bien-être de leur partenaire, l'éducation de leurs enfants, l'entretien de leur corps et tout ce qu'ils mettent dedans, ils ont démissionné depuis longtemps. Ils restent volontiers indifférents à l'effondrement de leur santé mentale et l'insouciance avec laquelle ils dilapident leur attention.
C'est que travailler sur soi-même implique des efforts bien réels et des enjeux inconfortables.
L. Obertone écrit dans son livre Guerre:
"Les gens ne se voient pas. Par conséquent ils sont incapables de travailler sur eux, baladés par le premier baratin venu, ils passent à côté d'évidences éléphantesques."
Ce Podcast aurait dû s'appeler La Courte Echelle.
Je ne vais pas vous mentir, le nom ne m'emballait pas des masses, mais je sais d'expérience que s'attarder sur des détails c'est se soustraire au vrai travail.
La courte échelle, c'est avant tout un geste altruiste. Des mains dont les deux paumes ouvertes invitent une semelle dégueulasse pour aider son propriétaire à s'élever un peu plus.
Et puis il y a gravir l'échelle de la réussite. Une mentalité acquise dès notre plus jeune âge.
"Prenez l’éducation. Quelle supercherie. Enfant, on vous envoie à la crèche. À la crèche, on vous dit que vous vous préparez pour l'école maternelle. Puis arrive le CP, le CE1, le CE2… Au lycée, on vous dit que vous vous préparez pour l'université. Et à l’université, vous vous préparez à entrer dans le monde du travail… Les gens sont comme des ânes qui courent après des carottes suspendues devant leur nez par des bâtons attachés à leurs colliers. Ils ne sont jamais ici. Ils n’arrivent jamais là-bas. Ils ne sont jamais vivants."
Alan Watts - Eloge de l’insécurité
Carrière, mariage, bagnoles, vacances deux fois par an, puis on se rend compte souvent trop tard que non seulement l'échelle n'est pas posée contre le bon mur mais qu'à mesure que l'on y monte elle descend aussi vite.
Ça s'appelle l'adaptation hédonique, mais ça ce sera pour un autre épisode.
La courte échelle quant à elle implique par sa taille qu'on en voie le bout et qu'on puisse facilement la trimballer d'un mur à l'autre.
Enfin l'échelle, c'est celle de notre champ d'action. Se préoccuper de tout et de tout le monde ou travailler sur soi et sur les siens. Est-ce que tu hurles sur les gens en bagnole ou tu intègres que ta satire de leur médiocrité n'impacte que toi ? Est-ce que tu continues de faire tes courses le samedi en jurant tous les noms parce que Carrefour est blindé de monde et que pour attraper ton PQ faut traverser deux réunions improvisées du voisinage ?
La folie c'est répéter tout le temps les mêmes erreurs et s'attendre à des résultats différents.
"Mais je peux faire mes courses que le samedi, je fais comment moi ? "
Bah tu prends la meilleure option, la plupart du temps ce n'est pas compliqué c'est le contraire de ce que font les autres. Ici c'est accepter que ta vie, c'est ça, pour le moment. Tu verras, l'acceptation - dans son plus simple apparat - dissout des tensions inutiles et libère de l'espace mental. C'est une ressource inestimable pour qui veut réfléchir à comment changer sa vie pour pouvoir par exemple faire ses courses le mardi.
"Mais je fais comment moi ?"
Tous les commerces du monde l'ont déjà entendu celle-là.
Frappée d'une soudaine inspiration anti-conformiste , Cindy décide de se faire tatouer un papillon sous les seins en plein mois d'Août. Alors que son tatoueur lui annonce qu'il faudra éviter le soleil, les préoccupations essentielles de Cindy ressurgissent: "mais comment je fais moi, j'ai une pool party ce weekend, faut que je puisse aller à la piscine ! "
Que le monde daigne résister à nos moindres caprices est devenu chose impensable. Nous sommes passés de paysans serviles et affamés à petits rois repus de luxe. Internet et nos téléphones nous ont tous transformés en demi-dieux avec un nouveau pouvoir par seconde. Nous ne faisons plus la différence avec le monde réel et son avilissante friction.
Mais alors pourquoi La Grimace du Singe ? Qu'est ce que c'est que ce nom ?
Les singes sont des animaux que j'ai toujours portés haut dans mon cœur. Vous noterez que je n'ai pas dit “mon animal préféré" parce que je viens de fêter mes 42 ans et que ces mots n'ont rien à faire dans la bouche d'un adulte. Ce serait comme dire "J'suis fan d'Harry Potter ! ".
Je ne vous apprendrai rien en vous disant que l'homme partage le même ancêtre que les grands singes. On l'a tellement lu et entendu que c'est un lieu commun. Ce qui est fascinant, c'est à quel point cela explique notre condition humaine. Ce sera un des fils conducteurs de La Grimace du Singe.
Le singe grimace sous l'effet de la douleur.
Il subit impuissant la frénésie du monde qui l’entoure. S'il est capable de verbaliser ses symptômes par des concepts issus de son langage - burn-out, dépression, déficit d'attention, perte de sens, manque de motivation, distraction, trous de mémoire, procrastination - il ne comprend pas bien les forces qui le manipulent ni leurs rouages.
Il est ce hérisson qui traverse la route et qui se met en boule pour se défendre contre un Dacia Duster. Ses mécanismes de survie perfectionnés sur des millions d'années n'ont pas eu le temps de s'adapter à son environnement. A l'échelle de l'évolution, l’explosion technologique et culturelle du dernier quart de millénaire est un clin d'oeil.
Mais la grimace représente aussi l'irrévérence.
Une fois acceptées son histoire et sa nature, l'homme-singe découvre un pouvoir nouveau sur le monde. Il peut alors tirer profit de sa technologie et sa culture non pas pour noyer la douleur mais pour reprendre le contrôle de ses pensées et donc de son langage; de ses actions et donc de son destin.
La grimace symptôme cède alors sa place à la grimace étendard. Une bannière brodée d'une langue tirée vers l'extérieur, symbole de résistance à cette nature primale qui motive toutes les stratégies de l'oppresseur et constitue la principale faiblesse de l'oppressé.
La Grimace du Singe, c'est mon journal de combat. Celui d'un père, d'un fils, d'un partenaire. Celui d'un ami, d'un frère, d'un citoyen.
Nous parlerons des femmes, des hommes et de leurs relations. Nous parlerons d'enfants et de leur éducation. Nous parlerons de société, de philosophie, de stratégie, d’action.
Nous parlerons de tout ce que nous pouvons faire pour agir à notre échelle et donner un sens à notre vie.
Nous essaierons surtout de répondre à cette brûlante question: "mais putain c'est quoi notre problème?"
Pourquoi le monde moderne semble défini par une unique équation:
Distractions + Addictions = Dépression
On se gave de sucre, de gras, on se vautre dans Netflix, on scrolle comme des petits cochons, A+B=X. On s'enfonce dans sa médiocrité jusqu'à ne plus se reconnaître, jusqu'à perdre l'espoir d'un jour se retrouver.
Dans les mots de Ralph Müller:
"Oubli de soi et vice se dévorent passionnément, et à mesure que l’on s’aliène, on épuise les forces qu’on pourrait mettre à se reprendre.
On se perd de ne pas agir, et on lambine de ne plus être.
Il n’est ici même plus question de mensonge. On fait pire que se mentir : on ne s’adresse plus la parole.
Il faut parfois aller au bout de cette nuit, se fourvoyer aux dernières ombres, pour retrouver goût aux lueurs.
La lumière est un choix, celui de se rendre digne des devoirs qui nous incombent par l’effet de notre nature.
Chacun a l’intuition des hommages qu’il se doit.
C’est elle qu’il faut suivre, et ne jamais trahir."
Mon intuition m'a toujours hurlé d'écrire.
Je ne vous promets pas de toujours faire dans la nuance, on dit de moi souvent que je suis trop direct. Mais j'ai mis longtemps à comprendre qu'essayer de plaire à tout le monde c'est avant tout se dégouter de soi-même. Il paraît qu'en moyenne une vie dure 4.000 semaines. C'est bien trop peu pour se soucier de ce que pensent les autres. Et si ça ne plait pas à tout le monde, ce sera plutôt bon signe.
On dit que si personne te juge, c'est que tout le monde t'ignore.
Merci de m’avoir lu et à la prochaine,
Nico