Ceci est la cinquième partie de ma vidéo sur la destruction de la famille. J’ai beaucoup travaillé le rythme, les visuels et la musique sur cet épisode, je vous invite donc à la visionner directement sur YouTube:
(Ex)pression
En 1951, le psychologue Solomon Asch a voulu tester un truc très simple: jusqu'où quelqu'un est prêt à nier l'évidence sous la pression du groupe. Apparemment, très loin. Quand des complices donne une réponse absurde, 75% des gens les suivent.
Cet effet a été reproduit sans faille depuis plus de 50 ans.
La reproductibilité des résultats d'une expérience, c'est un pilier de la méthode scientifique.
Pour qu'un modèle scientifique soit valide, il doit mieux prédire que les précédents, et formuler moins d'hypothèses. Il doit aussi s'intègrer logiquement à tout ce qu'on sait déjà.
Un scientifique ne cherche pas à avoir raison. Il cherche plutôt à avoir tort, et le plus vite possible. Qu'on débatte ses idées de façon constructive, parce que c'est comme ça que la science avance.
Le cœur de sa démarche, c'est de confronter ses idées à ses pairs et la réalité pour s'approcher toujours plus près de la vérité.
Je suis pas encore train de digresser, restez accrochés, tout ça va bientôt faire sens, je vous promets.
Malgré cette exigence de rigueur, l'idéal scientifique est en train de vaciller. Plusieurs études récentes, dont celles menées par la psychologue Cory Clark, montrent un basculement idéologique du monde académique.
Selon un rapport de 2019, 59 % des femmes dans le domaine de la recherche déclarent qu'il est plus important de favoriser une société inclusive que de protéger la liberté d'expression, 71 % des hommes répondent que non. En moyenne, elle sont plus hostiles aux contenus qu'elles jugent offensants, et plus favorables à la censure d'idées qu'elles perçoivent comme dangereuses ou nuisibles à certaines communautés.
Là où les hommes placent la priorité sur la rigueur scientifique et la quête de la vérité, les femmes valorisent davantage la protection et le bien-être émotionnel de tous.
Mais ça ne s'arrête pas là. Clark écrit aussi: « Dans un projet en cours, j'ai constaté que cet écart se réduit chez les jeunes. Jeunes hommes et jeunes femmes ont des préférences de censure de plus en plus similaires à celles des femmes adultes. »
Autrement dit: cette attitude devient la norme.
La part des femmes dans nos institutions a explosé — dans le domaine universitaire, dans la magistrature, le journalisme, la télévision, la monde de la recherche ou de l'éducation.
Des domaines massivement subventionnées par l'État, qui ne fait pas mystère de ses orientations. C'est aussi lui qui décident des programmes de l'Éducation nationale, où les enseignants sont majoritairement des femmes, formées dans les mêmes universités.
Depuis 10 ans, ces institutions dérivent dangereusement de l'idéal de rigueur et de vérité qui est censé guider leur mission.
On y est constamment matraqué, eux diront "sensibilisés", au culte woke de la justice sociale et de l'équité. Face à la pression des collègues, à la peur d'être ostracisé, de perdre ses subventions, de flinguer sa carrière ou sa réputation, beaucoup n'osent plus parler de certains sujets ni poursuivre certaines de leurs recherches, voire n'y sont plus autorisés. D'autres vont jusqu'à enterrer des années de travail, après une vie entière passée à étudier, parce que leur discipline fait tâche dans le narratif de l'idéologie ambiante. Et quand certains ont encore le courage de faire des vagues, on exige qu'ils rétractent leur publication, on les humilie en public, sans oublier de les arroser des sobriquets à la mode - raciste, fasciste, sexiste, transphobe - et abracadabra, on clot tous les débats.
Ce sont pourtant ces institutions, qui à force de rapports, de décisions juridiques, d'études, de chroniques médiatiques et de programmes scolaires, façonnent l'opinion publique et notre société.
Quand personne ne risque rien à dire ce qu'il pense, les discussions dans notre pays reflètent majoritairement ce que les gens pensent vraiment.
En l'absence de propagande qui divisent le monde entre les bons et les méchants, les désaccords existent, mais les idées circulent, et si les débats sont parfois tendus, ils restent ouverts et intelligents.
Dans ces conditions, notre démocratie fonctionne comme un grand laboratoire de la méthode scientifique.
La vérité ne s'impose pas, elle se cherche et se construit ensemble.
Mais quand le prix à payer devient trop grand, les gens ne disent plus ce qu'ils pensent.
Ils disent ce qu'ils croient pouvoir dire. Pas parce qu'ils y croient, mais parce qu'ils veulent survivre. Continuer à exister.
Notre société se transforme alors en une chambre d'écho monumentale.
Même ceux qui pensent autrement finissent par se taire en public, ou pire encore, à jouer le jeu des autres.
Parce que c'est bien plus confortable de faire partie de ceux qui pointent le doigt que d'être celui vers lequel ils sont tous pointés.
Les faux-semblants deviennent alors la norme, et avec un peu de temps, la norme devient la vérité. On se retrouve avec un dilemme du prisonnier à l'échelle de toute la société : tout le monde attend que quelqu'un parle, pour pouvoir se livrer, mais personne n'ose être le premier.
De l'extérieur, tout porte à croire qu'on pense tous la même chose.
Et certains au milieu, finiront par se dire : bah si tout le monde est d'accord, c'est peut-être moi qui suis con ?
Le philosophe Byung-Chul Han écrit dans "la société de transparence": "Nous vivons maintenant dans une société de contrôle horizontale, où les individus se livrent d'eux-mêmes. Ils montrent, publient, commentent, partagent, dénoncent, expliquent, confessent, s'exhibent. Ils n'ont plus rien à cacher.
Dans un monde pareil, la censure est inutile.
Y'a plus besoin de les surveiller: ils se surveillent tout seuls."
Nos enfants grandissent là-dedans. Ils n'auront pas besoin de faire semblant. On leur enseigne tout ça directement. De la crèche à l'université. A travers la culture, les livres, le cinéma, les dessins animés. Ils ne feront pas que le dire, ils y croiront dur comme fer.
Ces enfants sont les adultes de demain. Certains ont déjà bien grandi.
Et si on allait voir où ils en sont, en commençant par ceux dont plus personne ne veut entendre parler.
Peter Pan
Une famille sur 4 en France est monoparentale, et dans 85% des cas, c'est la mère qui obtient la garde. En 2020, 4 millions d'enfants mineurs avaient des parents séparés. J'ai pas les chiffres de cette année, mais on peut sans trop de risques présumer qu'ils ont encore augmentés.
Un garçon sans figure paternelle a cinq fois plus de risque de décrocher de l'école, de sombrer dans la délinquance, dans l'addiction, ou de présenter des troubles du comportements. Je vous épargne la liste complète, elle est facile à trouver. Ces chiffres ne font qu'effleurer la surface.
Les conséquences de l'absence de père dans la vie d'un garçon sont colossales.
Elles affectent son futur, sa santé mentale, et donc la société.
Une mère peut très bien gérer un fils pendant ses premières années, mais à l'approche de la puberté, les choses se compliquent.
Un garçon a besoin d'un père pour devenir un homme et construire son identité. Le père incarne l'autorité.
Il a la force de caractère et la carrure nécessaire pour imposer des limites.
Il montre, par l'exemple, la valeur du travail, de la discipline, comment aimer et respecter une femme par la manière dont il traite sa compagne. Il enseigne le contrôle de soi et le respect des règles, des autres, et la gestion des frustrations inévitables de l'adolescence. Il montre surtout à son fils que les pulsions propres à la nature masculine peuvent être mises au services de choses qui le dépassent.
Dans le cas contraire, ces forces se retourneront contre lui. Ou pire encore, contre les autres.
Il n'y a pas si longtemps, quand un père manquait à son devoir, on avait encore l'école pour sauver un peu les meubles.
Mais aujourd'hui, elle n'est qu'une garderie démesurée, où l'autorité n'a plus sa place, où le savoir se dilue dans les idées, et où tout ce qui ressemble de près ou de loin à un comportement masculin est systématiquement réprimé. Il suffit de regarder comment les conflits sont gérés.
Les rituels d'affrontement, qui forgent l'identité des garçons, ont été effacés. Les bousculades légères sans conséquences sont constamment interrompues par l'outrage puéril de surveillantes mijaurées. J'ai pu en témoigner du premier rang en tant qu'accompagnant sur des sorties scolaires. Même les joutes verbales, où les idées pouvaient se confronter, sont écrasées par un consensus permanent, et une médiation adulte omniprésente.
Tout le monde doit être d'accord.
On "harmonise les opinions", et pas n'importe lesquelles.
L'apprentissage organique des limites sociales a été remplacé par une surveillance verticale, régie par l'anxiété, qui pathologise l'énergie masculine plutôt que de la canaliser.
Tout comportement non-conforme à une égalité aseptisée devient une anomalie médicale. Le moindre mot de travers une micro-agression potentiellement traumatisante.
Il ne faut pas se surprendre que les garçons décrochent.
L'école moderne valorise des qualités dans lesquelles les filles excellent souvent. Elles sont d'ailleurs maintenant plus diplômées que les hommes. Le succès à l'école repose sur des règles comme le calme, le respect des consignes, la concentration.
Des attentes légitimes, mais nettement plus faciles à suivre pour les filles que les garçons.
En parallèle l'école s'est détachée progressivement des apprentissage concret - le savoir faire artisanal et les travaux techniques et manuels. Elle privilégie aujourd'hui des concepts toujours plus abstraits.
Le corps enseignant s'est massivement féminisé.
Un environnement favorable à la nature féminine, où les traits masculins deviennent des handicaps.
Et pour couronner le tout, on a supprimé le dernier garde-fou social: le passage par l'armée.
Des tradition tribales les plus anciennes jusqu'au service militaire, les rites de passage ont toujours eu un rôle fondamental: séparer le garçon de sa mère, l'arracher à l'enfance et le transformer en homme utile à la société.
C'est que l'homme a besoin d'une mission.
Et pendant longtemps, cette mission était claire.
Dépasser l'enfance, trouver du travail, se marier et fonder une famille. Aimer et protéger sa femme. Trouver dans son bonheur la récompense de ses efforts. Élever ses enfants, transmettre ses valeurs, et jouir du plaisir de les entendre s'amuser et rire.
Être le pilier sur lequel tous peuvent s'appuyer.
Pour ça, il est prêt à souffrir, travailler dur, se taire et encaisser.
Depuis toujours, ce sont les femmes et les enfants qui canalisent l'énergie des hommes.
Car la majorité des hommes sont bons.
Ils ne vivent pas pour dominer.
Ils ont juste besoin de se sentir utiles.
Ce qui les pousse à avancer, ce n'est pas la soif de pouvoir, mais le besoin de servir pour mériter l'amour des femmes.
Les femmes naissent avec un pouvoir magnifique, presque sacré: celui de donner la vie, et de choisir avec qui.
Les hommes, eux, naissent avec un défi, se rendre digne d'être choisi.
Pour ça, il faut marquer des points.
Ils sont l'échelle de leur valeur, et ces points se gagnent jusque dans les moindres détails.
Ouvrir un bocal de cornichons.
Ecraser une araignée au plafond.
Changer une roue pour dépanner, rentrer du bois de chauffage, déboucher un siphon.
Ces moments seront les meilleurs de leur journée.
Pas parce qu'ils pensent que les femmes sont faibles, mais parce qu'ils ont un besoin profond qu'on reconnaisse leur utilité.
Aujourd'hui, on vit en ville dans des apparts de location. Le moindre problème se règle par un coup de téléphone. Personne ne sait plus rien réparer. A quoi bon ? On est mêmes pas vraiment chez nous.
Pas de gazon à tondre. Pas de haies à tailler. Aucun arbre à abattre ou terre à retourner. Les jardins sont public.
Les repas ? Livrés par Uber Eats.
Le travail ? Prisonnier du rêve d'un autre.
Pour se chauffer ? Y'a qu'à tourner le bouton.
Entretenir sa voiture ? On a même plus le permis.
On prend les transports en commun, le vélo, ou le sommet de l'évolution, les fesses serrées sur une trottinette électrique.
Même la rémunération d'un homme n'est plus indispensable. Sa femme travaille aussi, et c'est tant mieux pour elle. Comme c'est le cas aux Etats-Unis, elle gagnera bientôt plus que lui.
De toute façon, vu le coût de la vie en ville, deux salaires ne sont jamais de trop.
Surtout quand on est bombardés de pubs du matin au soir, et que les commerces sont la seule vue dans le paysage.
On croise des milliers de gens, mais on ne connait personne, et les gens nous le rendent bien.
C'est que plus les gens se font rare, plus on apprécie leur valeur. Autant vous dire qu'à Paris vous ne valez pas grand chose.
Alors on dépense son argent pour exister. Il faut à tout prix se distraire.
Et quand on veut souffler un peu, échapper à la routine, on a pas d'autre choix que de fuir.
Alors on ressort sa carte bleue, direction la campagne, histoire de retrouver un peu d'air avant d'aller retourner bosser.
Quelle mission reste-t-il aux hommes dans ces conditions ?
Quelles opportunités ont-ils de prouver leur valeur dans une relation?
C'est pas surprenant que toutes les discussions finissent par tourner autour du ménage ou de la vaisselle.
Si c'est le symptôme frappant de la pauvreté du débat, c'est surtout le signe d'une société vautrée dans le confort et tellement engourdie par l'abondance qu'elle a perdu tout sens du sacrifice pour le bien collectif.
Parce que vider un lave-vaisselle ou aspirer 30m2 au XXIème siècle sont devenus des épreuves insurmontables.
Parce que quand on ne fait plus rien par amour et qu'on ne pense à rien d'autre qu'à soi-même, mettre le linge dans une machine c'est plus être garant du bien-être familial, c'est alourdir une dette dans une comptabilité débile.
Quand la vie d'un couple se résume à bosser du matin au soir, à récupérer les enfants tard, à rentrer à pas d'heure dans le bordel de la veille, et se plaindre de plus comprendre ses gosses alors qu'ils sont élevés par les autres, faut pas s'étonner qu'on sature.
Et épuisés de cette course interminable, on finit rincés dans le canapé, à engloutir des burgers devant une énième série parce qu'on l'a bien mérité.
Puis on se trainera au lit, où on arrivera pas à dormir parce que demain faut recommencer.
Vous trouvez ça surprenant qu'on finisse par s'engueuler ?
Le problème, c'est pas vraiment la vaisselle, c'est l'absence de projet.
La famille, c'est un idéal qui se construit ensemble, pas une colloc’ où chacun rentre s'effondrer.
C'est pas un compromis, c'est une solution collectivement identifiée à un problème. Une équipe soudée, unie par une mission, où les rôles sont choisis ensemble et assumés, et où chacun les porte avec fierté.
Mais allez-y, collez sur le frigo comme dans les chiottes McDo un planning pour savoir qui doit passer l'aspirateur, puisqu'on vous dit que c'est garanti, votre coupleretrouvera sa splendeur.
Pourquoi cette obsession de déconstruire les hommes ?
Qui des femmes, des enfants ou de la société va y gagner ?
Moi je vais vous le dire: personne.
A forcer de répéter à nos garçons qu'ils sont un problème à corriger et que leur nature toxique doit être réprimée, on ne forme plus des hommes capables qui enrichissent la société.
On fabrique des Peter Pan à la chaine.
Des Puer Aeternus perdus et isolés.
Et face à un monde qui ne veut plus d'eux, beaucoup choisissent de fuir ou se retirer. Et des milliers de jeunes hommes frustrés, c'est une bombe qui ne demande qu'à exploser.
Quand ils échappent à la violence, ils restent coincés en enfance.
Leurs besoin d'accomplissement, de compétition, et de coalition, ils l'assouvissent dans les jeux vidéo.
Leur goût du risque ? Dans le poker en ligne et la crypto.
Leur libido inassouvie ? Dans un torrent de porno.
Et ils étoufferont leur mal-être dans des volutes de White Widow.
Je vous laisse imaginer de quoi sera fait demain, avec l'IA et les robots.
Quand on aura tous à la maison un partenaire synthétique, qui dira tout ce qu'on veut entendre, et assouvira toutes nos pulsions.
Qu'est-ce qui justifiera encore d'affronter le monde et sa friction ?
Quand les récompenses artificielles imitent chaque jour plus fidèlement celles du réel, à quoi bon sortir de sa chambre ? C'est tellement plus confortable que d'affronter l'échec, de s'entendre dire non, de développer son caractère et transcender sa frustration.
L'existence de l'homme moderne ne repose plus sur des valeurs forgées par la discipline, l'effort ou l'ambition, mais sur une chaise de gamer, armé d'un rouleau de sopalin, de deux écrans et d'un pochon.
En l'absence de figure paternelle et dans une société qui ne s'occupe plus de ses hommes, beaucoup de garçons sont en perte de repères, avides de trouver des réponses à leurs questions.
De là il n'y a qu'un pas pour douter du sens même de leur propre existence, ou se tourner vers les discours les plus extrêmes à la recherche désespérée d'une direction.
Et il ne faut pas croire que dans toute cette histoire, seuls les hommes sont perdants.
Car les femmes aussi ont été trahies. Et non pas par les hommes, mais par des illusions.
…Suite demain dans la sixième partie …